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Posséder une villa, un rêve qui se heurte souvent à la réalité

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A en croire les échos du terrain, les Belges désirent toujours autant habiter dans une villa quatre façades. Mais ils sont de moins en moins nombreux à concrétiser ce rêve, principalement pour des raisons pratiques et budgétaires.

Une maison familiale avec quatre façades et du terrain : voici en quoi consiste l’habitation idéale pour beaucoup de Belges. Peu importe l’inflation, le dérèglement climatique ou encore le “stop béton”, le rêve d’habiter une villa est en effet toujours vivace au sein d’une part non négligeable de la population. L’enquête “les Belges et l’immobilier” menée début 2024 par Ipsos pour le compte de CBC Banque révèle par exemple que 26% des sondés recherchent ou souhaiteraient acquérir une villa quatre façades. A titre comparatif, ils sont presque autant à déclarer vouloir un appartement (25%), en revanche ils ne sont “que” 21% à privilégier une maison deux ou trois façades. Le projet d’habiter une villa semble par ailleurs plus marqué en Wallonie, où il concerne 33% des personnes interrogées.

Sur le terrain, “les acheteurs désirent toujours autant des villas quatre façades car c’est inscrit dans les mœurs des Belges”, constate Anthony Blavier, administrateur délégué de Maisons Compère, entreprise spécialisée dans la construction de maisons clé-sur-porte. Même écho du côté de Marc Gilmont, administrateur de l’agence immobilière Gilmont: “Je ne constate pas vraiment de changement d’attitude par rapport aux quatre façades ces dernières années; la demande est sensiblement la même. En général, les acheteurs cherchent une villa parce qu’ils souhaitent bénéficier de plus d’indépendance et de tranquillité par rapport au voisinage, ou encore parce qu’ils veulent plus d’espace et de lumière.” Si l’idée d’habiter une villa séduit toujours autant, ce rêve ou projet devient de moins en moins réalisable pour une partie des candidats. En cause : le budget. A l’échelle belge, les prix moyens des quatre façades (ou plus) sont en effet 43 % plus élevés que ceux des maisons deux et trois façades. Cette différence n’a bien sûr qu’une valeur indicative car elle ne tient pas compte des superficies ni de l’état ou la localisation des biens, toutefois on constate souvent une différence de prix au mètre carré de l’ordre de 10 à 15 % entre une villa et une maison de rangée. Et, malheureusement pour les intéressés, les tarifs sont plutôt à la hausse ces dernières années : « Les prix des villas et des maisons de manière générale ont augmenté de 10 à 15 % depuis le Covid et se sont plus ou moins maintenus depuis lors, sauf pour les passoires énergétiques (PEB E, F et G) qui ont connu une correction équivalente environ un ou deux ans plus tard »,observe Marc Gilmont.

Cette dévaluation en fonction des performances énergétiques n’est toutefois pas générale. Dans les zones à forte pression immobilière, l’argument du certificat PEB ne suffit pas à refroidir les acheteurs et les villas avec de mauvais labels continuent à se vendre à des prix élevés. C’est notamment le cas dans le centre du Brabant wallon, où se situent la majorité des agences Immo Dussart : « Nous sommes dans une région privilégiée autour de Waterloo, Rixensart et Nivelles – voire Lasne – et la demande de villas reste forte, mais dans la mesure du possible », souligne Michel Dussart, administrateur délégué. . « A Waterloo, il y a par exemple beaucoup de quatre façades des années 1970-1980 qui nécessitent pas loin de 200.000 euros de rénovations pour être remises à niveau, or elles sont vendues de base à des prix importants. Pour une villa avec environ 8 ares de terrain et 250 m2 en très bon état, il faut quasiment compter un million d’euros tout compris, ce que tout le monde ne peut pas se permettre. » Faute de budget suffisant, les acheteurs – en particulier les jeunes – se tournent donc vers des trois façades avec des plus petits terrains, “ou s’orientent vers des communes moins chères”, précise Michel Dussart. Un constat qui vaut pour le Brabant wallon, mais aussi pour la plupart des régions où les prix sont élevés.

Des terrains rares et chers

La problématique des prix n’affecte pas seulement le marché de l’existant; elle touche aussi de plus en plus les constructions de villas. « Bien que la majorité des maisons que nous construisons soient encore des villas, on constate que la tendance commence à s’inverser », confie Anthony Blavier, administrateur délégué de Maisons Compère. « Il y a trois ans, environ 65 % de nos clients construisaient des quatre façades. Aujourd’hui, ce pourcentage a diminué de 15 %. » Comme dans le marché de l’immobilier existant, les villas neuves ont tendance à être plus chères à cause de leur plus grande superficie, mais aussi parce que l’augmentation du nombre de façades implique davantage de matériaux – notamment pour le parement. Le surcoût tourne généralement autour de 10 à 20 %, mais peut grimper davantage : « Dans un projet neuf que nous commercialisons à Nivelles, les trois façades sont affichées autour de 400.000 euros et l’on dépasse les 500.000 euros (soit 25 % de surcoût, NDLR) pour une villa avec une superficie à peine plus grande » illustre Michel Dussart.

Au-delà des coûts de construction, un grand nombre de candidats renonce aux quatre façades à cause de la difficulté à trouver un terrain adéquat, de surcroit à un tarif accessible. Le prix moyen des terrains à bâtir atteignait en effet 310 euros/m² à l’échelle belge en 2023 et, même s’ils sont bien inférieurs en Wallonie, les tarifs sont passés de 94 euros/m² en 2018 à 128 euros/m² l’an dernier – soit une hausse de 36 % en cinq ans. Il faut ajouter à cette
augmentation le fait que construire une villa implique une superficie plus importante, et donc potentiellement des coûts supplémentaires par rapport à une deux ou trois façades. « On peut considérer qu’un terrain de 500 m2 est un minimum pour pouvoir construire une maison quatre façades, et plus on se rapproche d’une ville, plus c’est difficile  à trouver », précise Anthony Blavier. « Les gens cherchent parfois pendant un an ou plus puis finissent pas se résigner et se tourner vers une deux ou trois façades parce qu’ils ne trouvent pas de terrain dans leur région. Quand le budget le permet, ils optent pour une construction trois façades plutôt que deux car cela permet de n’avoir qu’un seul voisin, de bénéficier d’un jardin plus grand et avec moins de vis-à-vis.» Chez Maisons Compère, on remarque toutefois que les terrains et le budget de départ ne sont plus les seuls arguments pour se tourner vers des maisons mitoyennes s : « Le mode de vie et les attentes des clients évoluent. Les nouvelles générations cherchent souvent à maximiser leur confort tout en minimisant les coûts à long terme et les maisons deux ou trois façades, plus compactes et fonctionnelles, répondent mieux à ces besoins. » Les modèles et aspirations des Belges en matière d’habitat sont donc peut-être en train de changer…

Marie-Eve Rebts, Posséder une villa, un rêve qui se heurte souvent à la réalité, 2024, Posséder une villa, un rêve qui se heurte souvent à la réalité – Le Soir